Le monde infecté et le confinement une expérience douloureuse.

Le monde infecté et le confinement : une expérience douloureuse 

L’esprit humain devrait toujours être en mesure de faire face à n’importe quelle situation difficile qui s’impose en temps normal. Mais, de par sa fragilité, aussi paradoxal que cela puisse paraitre, même chez les hommes de science, il peut facilement être effondré psychologiquement quand il voit mourir les autres et qu’il doit du même coup penser à sa propre mort dans une situation de panique généralisée. C’est l’état d’esprit provoqué par cette crise sanitaire mondiale.
Confiné chez moi du côté de Santo, quartier situé à la Croix-des -Bouquets, n’était-ce pas la vie qu’il y a dans les livres, dans les articles scientifiques, dans la musique, en particulier dans le « Konpa dirèk » Haïtien, je serais beaucoup plus tourmenté pendant cette période de confinement. C’est horrible d’avoir le corps et l’esprit emprisonnés en même temps.  
S’il est vrai que l’idée de confinement n’est si nouvelle en Haïti, c’est une manière de dire que nous l’avons connu sur d’autres formes à un certain niveau si l'on pense aux « locks répétés » provoqués par la crise politique l’année dernière et le chômage permanent qui pousse beaucoup de jeunes à rester à la maison pendant longtemps, mais cela n’empêche que je vis la situation de crise sanitaire actuelle sur le mode de la souffrance. Esclave d’un ennemi invisible et fragile, en pensée et en action, j’ai peur d’être en contact avec moi-même en pensant aux différentes manières que l’on peut attraper le virus. Enfermé à la maison, quand la nuit arrive mon esprit est en mode voyage à la recherche d’un sommeil perdu. Par exemple, dans la nuit du 28 au 29 mars, boycotté par le sommeil, j’ai passé toute la nuit à comparer le charisme de Vladimir Poutine à celui de Barack Obama.


Parfois, on a besoin de promener pour se libérer un peu de certaines formes de souffrance, c’est là où le confinement fait très mal. Privé de ma liberté de circuler librement pour le moment, sous peine d’être sanctionné par un virus qui se comporte en « vedette » planétaire indéboulonnable jusqu’à présent, je reste à la maison pour lire des livres (notamment des textes de Pierre Bourdieu) et des articles scientifiques qui me permettent de renforcer mes connaissances théoriques et méthodologiques dans le champ sociologique. 

Chaque jour, je fais de mon mieux également pour avoir les nouvelles de mes amis et mes proches dans le cadre familial qui sont à distance, ce n’est pas si compliqué parce que le monde est un village global avec la modernité qui facilite une extrême rapidité du changement et opère un déracinement entre le temps et l’espace qui déplace les relations de leur contexte immédiat pour favoriser une interconnexion entre le national, le global, le régional et l’international comme dirait Anthony Giddens. Selon le sociologue britannique, dans son fameux texte titré « Les conséquences de la modernité », sous l’effet des logiques de « délocalisation » dont est porteuse la modernité, la mondialisation favorise le développement des relations sociales à distance. 
Pendant cette période de confinement, une petite blague ou un message de réconfort reçus par téléphone, ça compte beaucoup dans ces genres de situation, c’est ce qui me rend un peu soulagé. Mais ce soulagement ne dure pas véritablement, il est à reconquérir après avoir s’informer sur l’augmentation du nombre d’infectés et de morts dans le monde. 

Habité par la peur constante de mourir du COVID-19, en ressentant une douleur au niveau des glandes parotides, j’arrive même à douter du positionnement de ma gorge. Rires ! La situation de stress permanente que suscite le COVID-19 m’attribue au moins l’un des symptômes chaque jour et me fait penser à ma propre mort, c’est « l’effet COVID-19 » qui est très difficile à vaincre sur ce point. Grand amateur de football, cette situation de confinement m’oblige à resserrer les liens avec les « jeux vidéos » pour reproduire les dribbles et les passes lumineuses de Lionel Messi ou encore les frappes surpuissantes de Cristiano Ronaldo. 

Je crois fermement dans la science, mais je commence à douter de la capacité du système d’experts mondial sur le plan sanitaire de répondre aux urgences de l’heure. Pourtant, je sais très bien que la science n’agit pas dans l’extrême rapidité par rapport au risque de sombrer dans l’erreur en voulant résoudre un problème majeur, peut-être c’est « l’effet du confinement » qui me pousse à douter si rapidement. Sans entrer dans les détails, je dirais que l’idée d’un monde infecté n’est pas l’apanage du COVID-19. 

Ce petit virus pour l’homme reste et demeure pour l’instant un grand défi pour l’humanité. Au lieu de penser à la « fin du monde », il nous faut profiter de cette crise sanitaire mondiale pour mettre un terme à  « La misère du monde » pour reprendre le titre de l’un des ouvrages majeurs de Bourdieu. En fait, c’est peut-être l’occasion ou jamais de désinfecter le monde, ou du moins le débarrasser de tous les problèmes que nous avons volontairement créés pour construire désormais un monde plus humain et plus solidaire. 
   
 Jeffky JOSEPH
 Licencié en Sociologie à la Faculté des Sciences Humaines de l'Université d'État d'Haïti.

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